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Publié par Marie Bardet

Entrez dans la danse du destin

Photo Julie Artacho (voir son site internet en fin d'article).

« Danse noire » de Nancy Huston

Depuis "Les Variations Goldberg" en 1981, Nancy Huston a écrit treize romans, des pièces de théâtre, des livres pour la jeunesse et des essais dont "Reflets dans un œil d’homme" en 2012. Elle a obtenu le prix Femina en 2006.

(Actes Sud, 368 pages, parution août 2013)

Entrez dans la danse du destin

Entrez dans la danse... ta, ta-da Da, ta, ta-da Da, ta, ta-da Da... Voyez comme on danse... La caméra est plantée sur le Terreiro de Jesus, le grand square de la ville haute de Salvador de Bahia et enregistre la chorégraphie improvisée d’une roda de rue. Le rythme est hypnotique et l’énergie irradiant depuis les tambours et tambourins circule entre les corps, les voix et les âmes des danseurs de capoeira. Le corps de Milo Noirlac s’est mis à se mouvoir tout seul. Les Bahiens suivent des yeux ce Québécois qui se surprend à bouger comme un indien du Brésil, à se sentir chez lui, totalement, pour la première fois de son existence, à 23 ans.

On coupe.

30 ans plus tard. Milo, figure centrale de ce roman-film, s’éteint lentement sur un lit d’hôpital tandis qu’à son chevet, le réalisateur new-yorkais Paul Schwarz écrit le scénario d’un film qui n’est autre que le récit de la vie de Milo. Né au Québec d’une adolescente indienne prostituée et d’un voyou alcoolique, il est ballotté entre foyers pour enfants difficiles et familles d’accueil jusqu’à ce que son grand-père, un Irlandais nostalgique de l’IRA et épris de Joyce ne se fasse connaître à sa sortie de prison et l’initie à la littérature...

Un film rêvé en forme d’adieu au compagnon devenu un brillant scénariste et qui s’enfonce dans un coma irréversible. Mais un film en forme de célébration pour la danse du destin, et les destins enchevêtrés de Milo et des siens dont les origines recomposées font voyager le lecteur du début du XXe siècle à nos jours, d’une Irlande à feu et à sang à la chambre sordide d’une petite prostituée indienne au Canada, des rythmes envoûtants du berimbau brésilien aux mondanités new-yorkaise, pour finir sur un lit d’hôpital catholique au Québec.

Dans ce roman découpé en champs, contre-champs, la caméra est présente avec son œil sensible qui épouse les points de vue des personnages et leurs déchirements au fil d’allers et retours entre l’ancien et le Nouveau Monde.

Danse noire est un cri d’amour cosmopolite et de la même façon que le tambour répond au berimbau et les mouvements du capoeriste à la voix chantée, chaque personnage du livre s’exprime dans sa langue propre : le québécois, le cri, l’anglais, le français... La traduction est donnée à mesure dans des notes de bas de page. Il se dégage de cette mosaïque de langues qui n’alourdit en rien le récit, une expressivité et un surcroît de sens qui restent en mémoire comme un inoubliable bande sonore.

Cut.

ta, ta-da Da, ta, ta-da Da, ta, ta-da Da... Entrez dans la danse. Voyez comme on danse...

Marie Bardet

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C
Extra, cette photographe. Beaucoup de talent ! Un vrai plaisir de découvrir ces visages de femmes… <br /> Quant à Danse noire, c’est en langues mêlées qu’on la découvre. A recommander à des lecteurs bilingues ! Et puis, rien à dire, Nancy Huston est une visuelle. C’est construit comme un scénario de film. <br /> Ai bien aimé certains passages (la crise d’inexistence p 269, son écriture virile p 82)… mais ce ne sera pas mon ouvrage préféré. J’avais savouré ses Lignes de failles, autant qu’Infrarouge. Mais celui-ci m’a un peu dérangée dans les langues, dans les accents... Cela n'étant que mon humble avis !
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