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Publié par Marie Bardet

L'autre-noir

Ce texte intitulé « L’autre-noir » est inspiré du cinéma hypnotique en noir et blanc de Béla Tarr. On entre dans « Le cheval de Turin », son film testamentaire (2011), comme dans une transe, où l’on voit fondre en longs plans-séquences la fin du monde sur un couple de paysans après que leur cheval a rejeté sa vie de bête de somme. Ce « cheval » fait ouvertement référence à l’animal martyrisé au cou duquel Friedrich Nietzsche s’est pendu dans un élan de compassion, avant de sombrer dans la démence.

J’oserais pour ma part un rapprochement avec la peinture de Pierre Soulages, dont les « outrenoirs » sont exposés depuis la fin mai dans le premier musée consacré au maître, à Rodez.

L'autre-noir

une lumière gagnée à la lumière des ténèbres

arrachée aux ténèbres

quand ceux qu’on a plongés dans le noir trouvent la force d’avancer dans cette obscurité, quand ils ne se découragent pas, malgré la profondeur des ténèbres, de chercher une issue, il arrive pour ceux-là, à tant puiser au fond d’eux-mêmes, à creuser de si profondes galeries, qu’ils rencontrent la foi et l’espérance alors que tout semble perdu, et de cette foi et de cette espérance jaillit comme on frotte un silex une lumière noire plus éclatante que la lumière du jour, une lumière d’autre-noir, et si ceux-là s’en sortent, vacillants qu’ils parviennent au jour, cette lumière venue des profondeurs, la lumière de ceux qu’on a plongés dans le noir, leur demeure attachée aussi solidement que leur ombre, et les devance, leur ouvre un sillage qui les distingue des autres mortels

alors, de ceux-là qu’on a plongés dans le noir et sont sortis du noir, et qui représentent une infime minorité si l’on considère la multitude de ceux qui ont perdu à jamais tout visage, de ceux-là qui sont devenus visibles, on ne dira rien, on n’aura pas de mot pour décrire le trouble ressenti au contact de leur éclat, mais cet éclat nous transperce et nous fait vaciller comme au seuil d’une révélation, dont bien peu d’entre nous comprendrons l’origine et saisirons la portée.

Marie Bardet

(12 juin 2014)

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