Eux, présidents ?
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"L’Emprise" de Marc Dugain
Marc Dugain, né le 3 mai 1957 au Sénégal, construit depuis 1999 une œuvre littéraire couronnée de succès : « La chambre des officiers », « Campagne anglaise », « La malédiction d’Edgar », « Une exécution ordinaire ».
Editions Gallimard, 300 pages, 19,50 €
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Le monde du renseignement, Marc Dugain - par ailleurs auteur du très beau roman « La chambre des Officiers » - le connaît bien. On lui doit « Heureux comme dieu en France » dont l’action se situait pendant la Résistance et surtout « La malédiction d’Edgar » une sorte de biographie romancée d’Edgar J. Hoover, patron du FBI américain de sinistre mémoire de 1924 à 1972.
Dans « L’Emprise », l’auteur nous plonge avec une délectation qui nous régale dans ce monde interlope à la croisée de la politique, du renseignement et des coups tordus fomentés au nom d’idéaux nobles ou de la vulgaire raison d’Etat.
La rivalité de deux candidats de droite à l’élection présidentielle qui s’annonce, constitue l’axe principal de cette intrigue aux ramifications multiples. Ils sont deux, comme les deux faces d’un miroir aux vanités, à vouloir s’emparer de l’Elysée : Philippe Launay, archifavori des sondages, qui serait coiffé d’un chapeau blanc si nous étions dans un bon vieux western des années cinquante et un dénommé Lubiak, dont on ne connaît pas le prénom, le chapeau noir. D’un côté, un homme apparemment honnête, qui doute parfois de son désir de pouvoir et de sa légitimité à le briguer, de l’autre, un politicien dévoré d’ambition. Tout les oppose apparemment, sauf ce qui a trait à une magouille concernant les finances du parti. Tous deux traînent des casseroles dans le sillage de leur ascension future, mais Launay y ajoute un boulet : sa femme dépressive. Elle le rend responsable du suicide de sa fille et compte bien déballer toutes les turpitudes de sa vie privée au moment de l’élection.
Au cœur des sous-intrigues qui viennent interférer dans cette course aux ors de la République, on notera entre autres l’action de sape de Blandine Habber, ex PDG d’Arlena, le consortium nucléaire du pays. De l’Arlena de Blandine Habber à l’Areva d’Anne Lauvergeon il y a si peu de distance qu’on ne saurait méconnaître certains côtés "roman à clé" de ce récit. Elle est aidée dans son action par Lars Sternfall, un syndicaliste tout dévoué à son ancienne patronne. "Sternfall" traduit en français signifie "étoile descendante" : tout un parcours de vie.
Dans cette histoire foisonnante comme du Shakespeare et cynique comme du James Bond, les femmes sont aussi redoutables que sentimentales : Lorraine l’espionne désabusée, Aurore, la secrétaire dévouée à Launay, tête bien faite et le corps très accueillant. Ou encore, dans la même veine fantasmatique Sonia, la femme libérée d’un mari prisonnier de sa fonction, comme tant d’autres protagonistes de cette histoire.
Mais ne nous y trompons pas, ce livre se pose aussi comme un conte moral qui va bien au-delà du bon polar dont il a la brillante apparence.
Christian Di Scipio