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Publié par Vendanges littéraires

Odette Coste avec la jeune romancière Cécile Coulon aux Vendanges littéraires 2012. A l'arrière-plan, Jean-Louis Coste.
Odette Coste avec la jeune romancière Cécile Coulon aux Vendanges littéraires 2012. A l'arrière-plan, Jean-Louis Coste.

Le jury des Vendanges littéraires a décidé de donner le nom d’Odette Coste à l’un de ses prix pour perpétuer la mémoire d’une grande dame, modeste et lumineuse, décédée le 9 février dernier. Libraire à Perpignan depuis 1962, amoureuse de toutes les littératures, amie des écrivains, Odette Coste était une fidèle des Vendanges littéraires. Désormais, le prix Vendémiaire, attribué à un ouvrage publié par un éditeur des Pyrénées-Orientales, s’appelle prix Odette Coste.

Madame Coste

Dans ma tête, c’était Odette. Mais quand je lui parlais, je disais madame Coste. Il ne faut pas chercher à comprendre. C’est comme ça. Pourtant, elle n’était pas du genre qui vous tient à distance et vous met mal à l’aise. Bien au contraire. Il n’y avait pas plus simple et plus chaleureux que la façon dont elle vous accueillait. Des yeux qui s’illuminent, un large sourire, votre nom suivi d’un point d’exclamation, tout respirait en elle la spontanéité. J’aurais pu l’embrasser parfois. Certains le faisaient. Mais je n’osais pas. Elle me trouvait peut-être un peu coincé. Ce n’est pas son apparence qui m’impressionnait ni même sa voix forte et assurée. Il y avait autre chose. Minuscule et fluette silhouette, elle évoluait parmi les montagnes de livres comme une sorte d’Alice au pays des merveilles. Oui, c’est bien cela, il y avait en elle quelque chose d’émerveillé qui rayonnait sur son visage affûté dès qu’une pensée ou une parole l’animait. La littérature était son église et les écrivains, ses saints et ses prophètes.

Odette et Jean-Louis entourent l'écrivain Jean Echenoz lors des Vendanges littéraires 2012. Photos Hubert Beauchamp
Odette et Jean-Louis entourent l'écrivain Jean Echenoz lors des Vendanges littéraires 2012. Photos Hubert Beauchamp

Cette foi, elle la partageait avec Jean-Louis son mari, l’homme de sa vie. Tous deux lui ont voué leur existence, affichant d’entrée, en prenant possession en 1962 de la librairie Torcatis, rue Mailly à Perpignan, leurs préférences littéraires : une vitrine consacrée à Boris Vian. Avant d’être des commerçants, Jean-Louis et Odette étaient des lecteurs. Ils se sont passionnés pour les éditions de Minuit et, portant la bonne parole autour d’eux, ont fait de leur librairie une des meilleures ambassades du Nouveau roman. Sans doute la présence fidèle, parmi leur clientèle, d’un certain Claude Simon devenu leur ami, les a-t-elle confortés dans ce choix. Ce voisin de Salses eut à maintes reprises les honneurs de leur librairie, bien des années avant sa consécration par le prix Nobel de littérature. Jean-Louis et Odette avaient du flair. Mais ils n’étaient pas élitistes, comme nous le confie le journaliste Hubert Beauchamp qui fréquenta la librairie dès leurs débuts quand elle n’était guère plus grande qu’un couloir. « Odette, raconte-t-il, n’hésitait pas à affirmer ses convictions, à défendre un point de vue, surtout contre une critique parisianiste et grégaire. Je me souviens qu’elle n’avait pas hésité, un soir, à défendre Marc Lévy, face à ces bonnes âmes qui s’acharnent sur un auteur, sans même l’avoir lu. Parce qu’il est de bon ton de mépriser le succès populaire. Elle venait de lire un de ses romans et en avait savouré quelque qualité. Elle savait être curieuse, remettre la littérature en perspective. Et faisait partager ses analyses, ses coups de cœur avec enthousiasme et précision. Avec humour aussi : on riait beaucoup avec elle».

Des livres pour la jeunesse aux romans de Jean Echenoz, en passant par les auteurs régionaux, l’éventail de ses goûts était, en effet, le plus large possible. Aussi n’est-il pas étonnant que la librairie Torcatis, celle de Jean-Louis et Odette et, à présent, celle de Roger et Brigitte, ait vu passer dans ses murs, parmi la foule des écrivains invités, la plupart des grands noms de la littérature. L’un d’eux, Patrick Cauvin, s’est même en partie inspiré d’Odette pour créer le personnage principal de son roman « Pourquoi pas nous ? », une libraire de Perpignan amoureuse d’un catcheur. Il y a quelques années, lors d’un entretien accordé au magazine Bol d’Air de l’Indépendant, Odette Coste classait parmi ses auteurs préférés Gabriel Garcia Màrquez et Jean Soler. Ce dernier qui commençait à publier sa trilogie sur les origines du Dieu unique n’a jamais oublié ce soutien affiché à une œuvre que la critique s’obstinait à ignorer. Affecté par sa disparition, il nous a confié qu’à ses yeux, « Odette représentait, avec le charme féminin, la passion de lire et l'intelligence authentique de la littérature, tous genres confondus ».

Curieux de culture au sens large, Jean-Louis et Odette se sont aussi passionnés pour le Septième art, compagnons de route, dans le sillage de Marcel Oms, de l’Institut Jean Vigo, des Amis du cinéma et du festival Confrontation. Membre du jury du prix Méditerranée Roussillon, Odette Coste était également une fidèle des Vendanges littéraires de Rivesaltes où elle savourait, en compagnie de ses amis Claude Delmas et Henri Lhéritier, les moments passés auprès d’écrivains qu’elle aimait et dont elle buvait, aux premiers rangs du public avec Jean-Louis, les paroles. La maladie l’a empêchée, en octobre dernier, d’être à sa place sous le platane. Il faudra s’habituer à l’absence de ce regard acéré, de ce sourire désarmant, de cette voix sans affectation. Au second étage de la librairie où les écrivains viennent parler de leur dernier ouvrage, son sourire, sa gentillesse, ses questions nous manqueront. Elle avait 16 ans quand elle a rencontré Jean-Louis. La librairie fête cette année ses 70 ans. Une vie. Malgré le chagrin, avec les souvenirs, l’œuvre continue. Elle doit beaucoup à madame Coste.

Bernard Revel

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L
Un bel hommage à Odette Coste. Bravo les Vendangeurs !
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