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Publié par Bernard Revel

« Je volais je le jure » de Didier Pobel

Editions Bulles de savon. 90 pages. Dessin de couverture : Chiara Fedele.

 

Le monde étant ce qu’il est, qui n’a rêvé d’aller voir ailleurs, dans le sillage du petit oiseau de toutes les couleurs cher à Bécaud ? On n’a peut-être pas d’ailes mais on a de l’imagination. Surtout si on est poète comme Didier Pobel, auteur de courts romans remarqués dont le dernier, « Maman aime danser », révéla son don d’écrire avec une âme d’enfant.

Il nous revient avec une nouvelle histoire, « Je volais je le jure », qui s’adresse aux adolescents que nous sommes tous et raconte, après Kafka, une métamorphose. Mais au lieu de se réveiller dans la carapace d’un gros insecte répugnant, tragique destin de Grégoire Samsa, son personnage à lui, Grégoire Avexa, est devenu un beau matin oiseau. Et ce n’est pas triste. Que voulez-vous, il y a des héros avec et des héros sans. On pourrait croire que Didier Pobel se moque. Et c’est vrai que les jeux de mots, les clins d’œil à des chansons et poèmes populaires, le comique de certaines situations, le tout écrit d’une plume alerte, peuvent laisser penser que l’auteur s’amuse, à la manière d’un Joseph Delteil clamant aux quatre vents : « Je suis chrétien voyez mes ailes, je suis païen voyez mon cul ».

Didier Pobel s’amuse, en effet. Mais pas seulement. Le journaliste qui veille derrière le poète ne lui fait pas perdre de vue la réalité du monde actuel : le choc des attentats, le sort des migrants perdus en mer, les enfants gazés en Syrie, bref la barbarie contemporaine.

« Arraché à cette horreur à grands coups d’ailes », qu’il est doux de se laisser porter par l’air d’une chanson de Jacques Brel : « Je volais je le jure, je jure que je volais, je n’étais plus barbare ».

Oui, pouvoir se dire « je suis oiseau voyez mes ailes », offre l’avantage de prendre de la hauteur jusqu’à ce que s’effacent les laideurs d’en bas. « Fini tous les trucs bassement matériels qui pourrissent l’existence », se réjouit Grégoire pris dans l’ivresse d’une « extrême liberté » comme le corbeau de Silésie qui avait rendu l’espoir à son grand-père prisonnier de guerre. Mais voilà, quand on est un oiseau pensant, « la sale ambiance » qui règne dessous continue de vous hanter : le chômage, la violence, l’état d’urgence et ce président américain « coiffé d’une serpillère dorée » aussi « cinglé » que « l’affreux Playmobil de Pyongyang ». On n’échappe pas au monde, même en haut. Et puis, il y a les parents, les amis, sa petite copine Luce. Des « réseaux zoziaux », pas moyen de leur envoyer un SMS pour les rassurer.

Avoir des ailes et un bec n’empêche pas de se poser l’éternelle question : qui suis-je ? Un albatros, un martin-pêcheur, un mainate ? Plutôt un martinet ou un bouvreuil ? Comment savoir ? Quoiqu’il en soit, tout est chamboulé : le chat devient un ennemi, un chasseur vous prend pour cible. Pas évident non plus de tomber amoureux d’une perruche en cage. Il est temps, se dit Grégoire, de « retourner marcher sur terre ». Et le voilà qui se retrouve dans sa peau de jeune homme. Par quel miracle ? Celui de la littérature, bien sûr. « La poésie c’est un moyen de s’élever », disait son prof de français. Surtout chez Didier Pobel dont la plume est si légère qu’elle s’envole et sème à tout vent la petite musique de ses mots ailés.

Bernard Revel

 

Didier Pobel est lauteur de plusieurs recueils de poésie. Il a publié également: « Couleur de Rocou » (roman), « Un beau soir lavenir » (récit autobiographique), « Maman aime danser » (roman). On trouvera dans ce blog plusieurs textes consacrés à ses livres.

 

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