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Publié par Bernard Revel

Un beau soleil, un public au rendez-vous, des rencontres, beaucoup de livres et quatre lauréats sous le platane, heureux d’être à Rivesaltes où le vin et la littérature font chanter le monde : devant de belles fleurs de saison appelées « vendangeuses », Jean Berthier, Pierre Assouline, Patrick Gifreu et Serge Pey ont répondu en toute liberté et avec cœur aux nombreuses questions du jury des Vendanges littéraires. Morceaux choisis…

 

Paroles d’écrivains

 

Jean Berthier :

« La lecture élargit notre angle de vision » 

 

Jean Berthier, prix Coup de foudre pour son roman « 1144 » (Robert Laffont, collection Les Passe-murailles) répond aux questions de Sylvie Coral et Carole Vignaud.

2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018

« J’ai fait un certain nombre de choses (pièce de théâtre, courts-métrages) mais je n’ai pas tout à fait accompli tout ce que je voulais faire » …

 « La grandeur de la lecture est de pouvoir élargir notre angle de vision. La grande vertu de la littérature c’est ça : le déplacement qu’elle provoque » …

« J’aime bien les chiffres. 1144 est un double palindrome. Cela donne au chiffre une force. Ça, c’est le côté rationnel. Le côté irrationnel, c’est que je me suis réveillé une nuit avec ce chiffre 1144 en tête » …

« Vous avez eu une belle expression à propos de mon livre : c’est un policier de l’intime. Je n’ai pas donné de réponse. Je n’ai pas voulu qu’il y ait des certitudes sur les origines de mon personnage. Moi-même, je n’en ai pas ».

« Le narrateur de mon roman, c’est l’enfant des livres. Il est l’enfant de la langue ».

« Une histoire se propose à lui. Il refuse cette histoire. Puis, il s’y donne finalement d’une manière très progressive ». 

« Les livres, c’est de la transmission. Ce sont des choses vivantes mais en même temps proches de la mort ». 

« Les femmes aujourd’hui portent le livre plus que les hommes ». 

Pierre Assouline : « Ce qui se passe

en Catalogne est vital pour l’Europe »

 

Pierre Assouline, prix des Vendanges littéraires pour son roman « Retour à Séfarad » (Gallimard), répond aux questions de Chantal Lévêque et Christian Di Scipio. 

 

2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018

« Je ne me suis pas pris au sérieux en écrivant ce livre. La citation que j’ai mise en épigraphe donne le ton : « Il grandira car il est espagnol », air de « La Périchole d’Offenbach ... Mon Espagne, elle est fantasmée » …

« Mon titre provisoire c’était « Vuelvo » (Je reviens). Gallimard a fait la grimace ». 

« 1492 c’est la découverte de l’Amérique, la fin du Califat. Faire l’unité espagnole devient la priorité (même religion, même langue) : d’où l’expulsion des juifs. Et puis, il n’y a rien de tel, quand on a des dettes, que d’expulser ses créanciers… C’est le début d’un phénomène de fermeture pour l’Espagne : les juifs, les protestants, les francs-maçons. L’Espagne, depuis 1492, c’est le pays que l’on quitte. Et cela n’a pas cessé jusqu’à l’exode des Républicains sous Franco. L’Espagne a raté les Lumières » ...

« Je suis frappé et choqué par la naissance d’un véritable racisme anti-castillan. Une haine s’est installée contre l’État espagnol mais aussi contre les gens, contre la langue, contre la culture. A Barcelone, on ne peut plus parler, on ne peut plus échanger des idées là-dessus » … 

« Ce qui va se passer en Catalogne, c’est vital pour l’Espagne et aussi pour l’Europe » … En tant qu’européen, cela me concerne » ...

« Je n’aime pas l’expression devoir de mémoire. Si la mémoire est une obligation, cela ne marchera jamais » ... 

« La notion de pureté du sang est une notion raciste inventée par les Espagnols. Le racisme biologique européen, il est né là » ...

Patrick Gifreu :

« J’œuvre à la restitution d’un patrimoine »

 

Patrick Gifreu, prix Odette Coste des Vendanges littéraires pour la qualité et l’originalité de son travail à la tête des éditions de la Merci répond aux questions de Chantal Lévêque et Elisabeth Fita.

2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018

« Au tout début, j’ai été attiré par Raymond Llul et le Livre des bêtes. Comme on peut être obsédé par un écrivain, j’ai été obsédé par un livre. J’étais habité. C’est un petit livre de rien du tout. Une critique des mœurs politiques qui est toujours valable de nos jours. L’amour pour ce livre m’a conduit à le retraduire alors qu’il avait été traduit maintes fois. J’ai lu toutes les traductions. Ça ne m’a pas arrêté. C’était en moi ». 

« Quand on écrit un livre c’est par pure nécessité intérieure ». 

« La traduction a pris de plus en plus de place dans mon travail. Je travaillais plus vite que les maisons d’édition ne pouvaient publier. Le travail s’amoncelait dans mon tiroir. Je me suis dit : qu’est-ce que je vais faire de tout cela. J’ai décidé alors de devenir éditeur indépendant ». 

« En tant qu’éditeur j’ai dû endosser d’autres habits. Il y a indéniablement une intention pédagogique, le désir d’œuvrer à la restitution d’un patrimoine » … 

« Les livres sont traduits en majorité du catalan avec aussi pour langues d’origine : l’hébreu, l’arabe, le latin, l’occitan ancien. A partir des langues, on peut voyager. Ce qui m’intéresse c’est donner à lire des textes ». 

« La Merci est un des plus beaux mots que je connaisse. C’est un vieux mot qui rappelle le Moyen âge. Il signifie tout simplement miséricorde.  Son usage a disparu en français mais il existe dans d’autres langues. Nous avons voulu réhabiliter ce sens. La Merci c’est enfin un ordre religieux créé au 13e siècle à Barcelone. Nous avons trouvé cela joli mais plus joli encore est le but que s’était donné cet ordre : racheter les esclaves chrétiens aux musulmans ». 

J’admire et je m’identifie un peu à René Daumal. Il a écrit des livres d’avant-garde puis a étudié le sanscrit et fait des traductions ».

Serge Pey :

« Retirada, c’est un mot qui me choque »

 

Serge Pey, prix Jean Morer pour son recueil « Mathématique générale de l’infini » (Poésie/Gallimard) et pour l’ensemble de son œuvre, répond aux questions de Didier Pobel et Bernard Revel.

2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018
2. MILLESIME 2018

« La poésie c’est une relation entre la langue et la vie. S’il n’y a pas la vie il n’y a pas le poème et s’il n’y a pas le poème il n’y a pas la vie. Le poème transmute le langage et vice versa. On ne peut pas séparer l’existence et le poème, en tout cas pour moi, même si certains l’ont fait ». 

« Aujourd’hui est un jour particulier pour moi. Il y a trois ans j’étais au Chili pour rencontrer des camarades de la Gauche prolétarienne avec lesquels je me battais sous la dictature de Pinochet. Nous avons fait une grande fête avec les survivants. Et tout d’un coup, on me téléphone et une voix me dit : Serge je suis ton oncle, c’est moi, Victor Pey et aujourd’hui j’ai 100 ans. Il est mort hier soir. Mon père m’avait parlé de cet oncle qui était membre de la Fédération anarchiste ibérique. Ce grand héros de la révolution espagnole a réussi à aller au Chili avec le bateau de Pablo Neruda. Pour moi, la poésie reste toujours un bateau qui va dans la mer vers une destination inconnue ». 

« Je pense aussi à mon père, interné dans le camp de concentration d’Argelès. Et à tous les autres à Rivesaltes et ailleurs ».

« La dernière survivante de ma famille est ici, ma tante, tia Maria, la sœur de mon père qui a fait le voyage de Saint-Cyprien où j’ai vécu toute la cosmogonie de ma poésie avec notamment mon oncle qui péchait au lamparo. Tout mon univers poétique sort de là ». 

« Ma tante était couturière comme ma mère que je voyais, la bouche pleine d’épingles. Je pense toujours que la poésie c’était ces épingles. Quand je dis que j’aime la cargolade, piquer les escargots, je revois les épingles dans la bouche de ma tante et de ma mère ». 

« Ce n’est pas impunément que le poète va transformer les choses qui l’entourent, qui le traversent. J’ai eu la joie d’accéder à une richesse immense, celle de la littérature. Ce qui m’a fait riche c’est le contact des livres. La première dépense que j’ai faite dans ma vie quand j’ai eu un peu d’argent, c’était de m’acheter un livre. C’était un très beau livre de géologie sur les animaux à la vitrine de la librairie. Ma mère était trop pauvre pour me l’acheter. Tous les soirs je faisais une prière, alors que je ne suis pas croyant. Je disais : faites que le livre apparaisse sous le lit. Tous les matins, je regardais s’il y était ». 

« Aujourd’hui, on dit Retirada. Jamais dans ma famille ou parmi mes camarades, mes voisins, jamais je n’ai entendu parler de Retirada. On parlait d’exode. Retirada, c’est un mot qui me choque. Je crois que c’est un concept qui a été mis en avant par les historiens de la capitulation. Nous, on ne s’est jamais retirés. On s’est battus - je parle de ma génération - jusque dans les années 75 contre le franquisme. On luttait clandestinement, on portait des courriers à Barcelone. S’il faut s’élever contre quelque chose aujourd’hui, c’est vraiment contre ce concept de Retirada ».

« La poésie jamais ne se retire. Elle est debout. C’est une résistance permanente dans la parole et dans la vie. Le poète est un écrivain public ». 

« Je suis un descendant des troubadours ».

Cargolade littéraire

2. MILLESIME 2018
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2. MILLESIME 2018
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Remise des prix

2. MILLESIME 2018
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Pris sur le vif

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A l'an prochain !

 

Reportage photographique : 

Jean-Christophe Carle (Agly photo 66)

 

 

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