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Publié par Christian Di Scipio

Antonio Machado
Gardiens de mémoire

Memoria custodiada.

Préface de Serge Barba, Alter Ego éditions, 12 €

Antonina Rodrigo, femme de lettres militante et Jacques Issorel, professeur honoraire d’espagnol de l’université de Perpignan, publient une biographie bilingue d’Antonio Machado, un ouvrage riche de portraits de ses proches et nombreux textes du poète qui repose à Collioure.    

Ecrit à quatre mains par Antonina Rodrigo, écrivaine et militante des droits des femmes, et Jacques Issorel qui enseigna l’espagnol à l’université de Perpignan. Ce livre bilingue retrace les grandes étapes de la vie d’Antonio Machado et n’oublie pas de rendre un hommage aux habitants des Pyrénées-Orientales qui ont accueilli avec bienveillance cet homme épuisé, entouré des siens à son arrivée à Collioure en janvier 1939. Il mourra quelques semaines plus tard.
On y trouve aussi une galerie de portraits des femmes et des hommes engagés dans la défense des idéaux républicains et des droits humains. Machado figure dans cet ouvrage en compagnie de très belles personnes. On peut citer entre autres Jacques Baills, Monique Alonso, Sébastien Figuères, Sara Berenguer Laosa  ou Teresa Soler i Pi, plus connue en Catalogne Nord sous son nom d’artiste, Teresa Rebull.
Machado est né en 1875 à Séville dans une famille laïque et républicaine. Son père, érudit passionné de littérature, néglige son métier d’avocat, si bien que la famille vit des subsides du grand-père paternel, professeur de sciences à l’université de Séville. Alors qu’il est étudiant, il perd en peu de temps son père (1893) et son grand-père (1896). La mort de ce dernier plonge la famille dans une situation économique difficile. Dans les années qui suivent, Antonio Machado et son frère aîné Manuel fréquentent les milieux littéraires et artistiques de Madrid. Ils se rendent ensuite à Paris en 1899 où Antonio travaille un temps comme traducteur aux éditions Garnier. Il découvre la poésie symboliste et particulièrement Verlaine, décédé peu de temps auparavant, en 1896.
De retour en Espagne, il travaille comme professeur de français dans diverses régions d’Espagne. Il se consacre à la poésie et publie des textes dans des journaux avant la parution de son premier recueil de poème en 1903.
Il se marie à 34 ans avec Leonora, fille des tenanciers de la pension de famille où il réside à Soria. Les paysages sauvages et arides de cette région castillane lui inspirent de nombreux textes.
Il séjourne ensuite à Paris en 1909 avant de rentrer à Soria où sa jeune épouse meurt de la tuberculose. Très affecté, Machado quitte Soria pour aller vivre à Baeza en Andalousie. Devenu docteur en philosophie, il s’installe à Ségovie près Madrid, où il retrouve son frère Manuel avec lequel il écrit des pièces de théâtre. Il s’engage en politique et devient, en 1922, le premier président de la Ligue des droits de l’homme à Ségovie où il réside à partir de 1919. Il adhère en 1926 à l’Alianza republicana.
Entre temps, en 1923, Primo de Rivera prend le pouvoir avec la complicité du roi et établit une dictature. La situation économique de l’Espagne s’améliore un temps en raison de (grâce à) la politique de grands travaux menée par le gouvernement, mais à la fin de la décennie la crise touche durement l’Espagne. Le dictateur démissionne, incapable de faire face au marasme économique dans lequel est plongé le pays. Les forces progressistes renforcent leurs positions électorales jusqu’à la proclamation de la République en 1931.
A partir de 1936, la Guerre civile est déclenchée par Franco. Machado et sa famille fuient devant l’avancée des troupes du futur Caudillo et c’est ainsi qu’il passe la frontière à Port-Bou après un périple épuisant. Il parvient à Collioure fin janvier 1939 où il mourra quelques semaines plus tard, le 22 février. Il laisse une œuvre poétique considérable, des écrits politiques nombreux et aussi des pièces de théâtre écrites avec son frère Manuel. Son frère José, qui l'accompagne jusqu'à Collioure se réfugie avec sa famille au Chili où il mourra en 1958 sans avoir revu l’Espagne, « ce qui fut pour lui une grande douleur » précise Jacques Issorel.
Laissons le mot de la fin à Aragon, autre grand poète du siècle, qui écrivit en 1960 ce bel hommage plus tard mis en musique par Jean Ferrat : 
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours.
 

Christian Di Scipio
 

 Jacques Issorel :
" Machado, on le comprend tout de suite " 

Jacques Issorel, en France, et peut-être encore davantage ici dans les Pyrénées-Orientales, n’avons-nous pas une vision trop louangeuses de Machado en raison de son décès sur le sol français, à Collioure. Est-il considéré en Espagne comme un poète de premier plan ?
Machado est un écrivain aimé dans toute l’aire hispanique, en Espagne bien sûr, mais aussi en Amérique latine. On peut regretter que les œuvres de Machado n’aient pas été publiées dans la Pléiade alors qu’en Italie, elles ont paru dans une collection équivalente dans une version bilingue. Cela tient sans doute au fait qu’en Italie, contrairement à la situation française, l’engouement pour la poésie est resté fort. On continue de trouver dans les librairies des recueils de poètes inconnus parfois du grand public dans des éditions anciennes ou récentes.
Il n’est pas un poète maudit malgré sa fin tragique à Collioure, il a même connu le succès très tôt. Il publie son premier recueil de poèmes Soledades en 1903, à l’âge de 28 ans.Aussitôt, les revues spécialisées lui consacrent des articles élogieux. Quatre ans plus tard, il publie un deuxième recueil Soledades.Galerias. Otros Poèmas  qui rencontra également le succès.  

Si vous deviez définir la poésie de Machado, que diriez-vous en quelques mots. Précisons que vous proposez dans ce livre de nombreux textes de Machado en espagnol avec leur traduction en vis-à-vis.
C’est un poète intimiste tourné vers l’introspection avec des mots simples. Machado, on le comprend tout de suite. Des symboles comme la fontaine, le chemin, le crépuscule, les saisons, le tic tac de l’horloge expriment la frustration d’une âme à la recherche d’un bonheur inaccessible. La découverte de Soria, située au cœur des paysages austères de la Castille compte beaucoup dans son œuvre et lui inspire Campos de Castilla.

Un mot sur Antonina Rodrigo, co-autrice, qui, dans ce livre présente une très belle galerie de femmes engagées des deux côtés de la frontière franco-espagnole.
Elle est née à Grenade et réside aujourd’hui à Barcelone. C’est une militante des droits des femmes, mais aussi une écrivaine qui a voulu sortir l’oubli des femmes combattantes. Ces femmes sont souvent des personnes modestes.

(Recueilli par CDS)

 

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