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Publié par Sylvie Coral

Numéro deux de David Foenkinos

Éditions Gallimard, 235 pages

Il est impossible d’être numéro 1, ou premier de cordée, en étant tout seul. Pourtant, à l’exception de quelques cas extrêmement isolés comme celui de Raymond Poulidor, le numéro deux tombe presque toujours dans les oubliettes. Et à plus forte raison les suivants, dont il ne sera même pas question dans cette histoire imaginaire.

Ici, David Foenkinos s’intéresse à ce qu’est devenu le jeune garçon que Daniel Radcliffe, interprète bien réel du personnage de Harry Potter, a involontairement évincé lors du casting, en 1999. On ne décide pas d’être l’élu, tout comme Martin Hill, l’infortuné numéro deux, n’a pas choisi la disgrâce.
En 1999, Martin Hill a dix ans, un papa britannique aimant, John, accessoiriste de cinéma, doux rêveur resté à l’écart de la réussite. Jeanne, sa maman française, est repartie vivre à Paris. Tous les week-ends, Martin prend l’Eurostar. Comme tous les enfants, jeunes et adultes, il s’est passionné pour le premier tome de la saga de J.K. Rowling. Un jour, alors qu’il accompagne son père sur le tournage de « Coup de foudre à Notting Hill », il est repéré par David Heyman. Le jeune producteur est frappé d’un coup de foudre professionnel pour ce garçon à lunettes rondes, en qui il voit l’incarnation parfaite de Harry Potter. Martin et son papa s’enthousiasment et l’enfant participe au casting. Mais malgré une prestation réussie, Martin n’est pas choisi au motif qu’il lui manquerait « ce petit quelque chose en plus » dont l’Autre serait doté. « Cela pouvait rendre fou de passer à côté de tellement pour si peu ».
Le rêve de Martin s’écroule. « La vie humaine se résume peut-être à ça, une incessante expérimentation de la désillusion, pour aboutir avec plus ou moins de succès à une gestion des douleurs ».
Martin débute alors une nouvelle phase de sa toute jeune vie, essayant de composer avec ce qu’il perçoit comme un échec, tournant en boucle autour de son immense déception, s’enfermant dans une douloureuse neurasthénie. « Comment vivre avec l’idée qu’une autre personne a pris notre place ? Le sentiment de traverser l’existence en étant assis sur un strapontin. »
Comme Harry Potter, il grandit en affrontant les forces de l’ombre aux visages multiples, « les puissances destructrices de la beauté et des jours heureux » et en combattant un Voldemort manipulateur et harceleur. Il finira par en venir à bout, luttant contre le mal par le mal, aidé par quelques âmes bienveillantes et aimantes.
L’intensité dramatique du roman croît au fil des chapitres, même si l’humour caractéristique de l’auteur affleure ici ou là.
David Foenkinos a choisi une narration simple et un style sans effets spéciaux qui laissent toute la place à l’émotion et à la réflexion. Harry, Martin, c’est nous finalement. Une des questions clés de la vie ne résiderait-elle pas dans l’énoncé du sujet du baccalauréat, sur lequel tombe Martin ? Le lien se fera plus tard, sans qu’il le sache.
David Foenkinos a le talent d’habiller les sujets profonds ou graves du costume de l’originalité et de la légèreté. Ce roman analyse-t-il le personnage de Harry Potter à travers le parcours de Martin Hill, ou bien le contraire ? Les deux hypothèses se défendent. En tous cas, cette histoire si vraisemblable nous tient en haleine d’un bout à l’autre.

Sylvie Coral

David Foenkinos est un romancier, dramaturge, scénariste et réalisateur français, né en 1974. Il est l’auteur de nombreux romans, dont « La délicatesse », « Les souvenirs » ou « Le mystère Henri Pick », tous trois adaptés au cinéma. Ses livres sont traduits en plus de quarante langues. Son roman « Charlotte » a obtenu le prix Renaudot et le prix Goncourt des Lycéens en 2014.
Il a reçu le Prix des Vendanges Littéraires en 2016 pour « Le mystère Henri Pick ». Rivesaltes a eu l’honneur et le bonheur de l’accueillir à cette occasion (Photo Jean-Christophe Carle).

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