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Publié par Bernard Revel

« Poèmes pour ne pas dormir » de Philippe Salus.

Edition Obsidiane, douzième volume de la collection Le Carré des lombes.
Photographies de Bruno Grégoire.

Un jeune homme envoie un poème à Henri Thomas, écrivain reconnu, publié par Gallimard, prix Médicis et Femina. Quelques jours étant passés sans réponse, il trouve son numéro dans l’annuaire et ose lui téléphoner. Au bout du fil, Henri Thomas ne cache pas sa contrariété d’être dérangé. Il reçoit beaucoup de textes et ne se souvient pas du sien. Le jeune homme indique timidement le titre du poème. Alors, soudain très aimable, Henri Thomas s’exclame : « Mais je l’ai sous les yeux ! » Et, après avoir dit tout le bien qu’il en pense, promet de le recommander à la NRF. C’est ainsi que la grande revue littéraire créée par André Gide publiera « Femme Close Boulevard ».
Aujourd’hui, devenu fringant sexagénaire, le jeune homme, après une carrière de journaliste à l’Indépendant de Perpignan et avoir animé pendant 25 ans les éditions Mare Nostrum, publie son premier livre : « Poèmes pour ne pas dormir ». Et c’est Obsidiane, prestigieuse revue que fonda en 1978 Henri Thomas, qui l’édite. Ainsi, Philippe Salus revient-il à ses premières amours. 

Son recueil s’ouvre justement sur le poème par quoi tout avait commencé et qui s’adresse à une lycéenne « aux poignets bandés d’un chagrin » dont il était amoureux. Influencé alors par la poésie « électrique » d’Henri Thomas, il assemble des mots dont la seule logique est de produire par leur contact l’effet d’une étincelle. Ce qu’il appelle « images en survoltage ». Au fil des pages, on suit l’évolution du jeune poète vers plus de clarté. Rimbaud et la Beat Generation sont passés par là. Errances dans un port d’Europe de l’est où les cargos sont « caparaçonnés de guépards de vagues », sur d’autres rivages, d’autres ports, « par les ruelles du barri gotic… que l’orage de septembre bombardera bientôt », au bord du Tage où « tu es revenu pour ne plus voir le temps passer », ou encore au quartier Saint-Jacques de Perpignan.
On sent sourdre de ces poèmes une mélancolie de jeune homme qui traverse les villes et les paysages dans l’espoir de trouver sa place quitte à « se désaltérer aux pierres du chemin », et, parce qu’il n’y a pas de poésie sans souffrance, qui prie « pour ne pas être consolé ».
Près de cinquante ans plus tard, est-il arrivé à bon port ? Nous le saurons en lisant ses poèmes de maturité qu’il publiera prochainement.

Bernard Revel

Le portrait de Philippe Salus est de Stef Saint E.

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