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Publié par Sylvie Coral

Un passé loin d'être simple

"L'envers d'une vie", quatrième roman de Caroline Pascal, née en 1966. Docteur ès lettres en Sorbonne, agrégée d’espagnol, elle est Inspecteur Général de l’Education Nationale depuis 2009. Elle est l’auteur de « Fixés sous verre » (2003), « Derrière le paravent » (2005), « La femme blessée » (2009), tous édités chez Plon.

(Editions Plon, 330 pages)

Un passé loin d'être simple

Mars 2011. Un avis de décès annonce la disparition, à l’âge de soixante et onze ans, de Paul-Armand de Coutainville, Officier de l’Ordre National du Mérite, Chevalier de l’Ordre de Malte. Les obsèques auront lieu à Versailles, l’inhumation dans le Calvados.

Un tel patronyme, précédé d’un prénom si bourgeoisement composé, évoque spontanément la petite cuillère en argent, l’école privée, le mariage arrangé, la demeure de famille, le lignage, la fierté du rang, la reconnaissance des pairs. Pourtant, le chemin de cet homme depuis sa naissance, est bien éloigné de tous ces clichés.

Paul-Armand de Coutainville, alias Paul Delaunay, fut d’abord un enfant au physique ingrat, affligé d’une laideur telle qu’elle lui vaudra sa vie durant les quolibets, la pitié, le rejet d’autrui. Nous parcourons à rebrousse-temps le couloir de son histoire.

Le roman est composé de douze chapitres, chacun relatant une décennie, et chacun éclairant par petites touches celui qui le précède. Qu’a-t-il bien pu se produire pour que la vie de Paul soit si douloureusement chaotique ? Il nous faudra, pour le comprendre, atteindre le fond du puits de son enfance.

Ce voyage à la chronologie inversée traverse mai 68, la guerre d’Algérie, la fin de la seconde guerre mondiale, et dépeint une certaine société française pendant la seconde moitié du XXème siècle. Mais le cœur du roman reste le portrait d’un homme meurtri, en quête d’une identité qui lui a été refusée dès sa naissance. Caroline Pascal parvient petit à petit à faire naître chez le lecteur de la compassion, voire un attachement réel à l’égard du personnage principal.

« L’envers d’une vie » nous parle du déterminisme, des marques indélébiles héritées malgré nous, des répétitions maudites, mais aussi du destin que l’on peut infléchir malgré tout, quitte à boiter.

Surtout, il faut souligner que la prouesse de l’auteur réside dans la construction originale et très habile de l’histoire. La langue est classique, élégante, travaillée et précise. Plus on chemine vers le jeune âge de Paul-Armand, plus le texte est poignant : « Aucune des deux n’imagina l’obscurité glaciale de ce tunnel infini que représentaient six jours et six nuits pour un enfant de huit ans, l’impossible résignation du soir qu’il noyait dans les larmes, le sentiment d’abandon qu’il masquait en reniflant dans sa manche. Et pourtant, la marque était indélébile, large balafre sur son visage d’orphelin. Pas de père ; peu de mère. »

Sylvie Coral

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N
L'envers d'une vie, comme l'envers d'un costume, mais aussi dans le sens de la chronologie… le titre est bien trouvé.<br /> Ecrire à reculons, c'est là surtout que réside l'originalité du texte… et ce n'est pas vraiment reposant pour le lecteur. Mais c'est une gageure réussie. Il fallait ne pas trop en dire pour laisser une part de surprise.<br /> Moins aimé le style, un peu trop convenu à mon goût.
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E
Ce &quot;destin que l'on peut infléchir malgré tout, quitte à boiter&quot;, on aimerait savoir s'il a fait de ce Paul-Armand un homme heureux. J'ai l'impression que non.
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