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Publié par Chantal Lévêque

Mais comment peut-on être "penseuse" ?

"La Fabrique de l'intime" de Catriona Seth.

L'illustration représente l'exécution de Madame Roland

(Editions Robert Laffont, Collection Bouquins, 1 216 pages)

« Les longues soirées me firent reprendre l’habitude du travail des mains, durant lequel ma mère avait la complaisance de lire tout haut plusieurs heures de suite. Ces lectures me plaisaient beaucoup ; mais comme elles ne me laissaient pas digérer les choses assez parfaitement à mon gré, elles m’inspirèrent l’idée de faire des extraits. Dans mon premier travail du matin, je couchais donc sur le papier ce qui m’avait le plus frappée la veille, puis je reprenais le livre pour saisir les liaisons ou pour copier un morceau que je voulais avoir dans son entier. Ce goût devint habitude, besoin et passion. Mon père n’ayant qu’une petite bibliothèque que j’avais épuisée autrefois, je lisais des livres d’emprunt ou de louage ; je ne pouvais supporter de les rendre sans m’être approprié ce que j’en estimais le meilleur. » Jeanne Marie Roland (Mémoires Particuliers, qu’elle rédige en prison, dans l’attente de sa condamnation. 1773).

« Je m’appliquais soigneusement à mes études ; elle me les faisait aimer, et je pris, par ses soins, un goût si décidé pour la lecture, que je le conserve encore aujourd’hui, malgré les traverses et les contrariétés de la vie qu’il m’a fallu souffrir ; mais ce goût y a apporté un palliatif, ou pour mieux dire, un engourdissement. » Mary Robinson (surnommée Perdita dans ses Mémoires, au crépuscule de sa vie. 1800).

Toutes les femmes dont il est question dans cet ouvrage, ont eu un attrait irrésistible pour la lecture. Il n’était pourtant pas facile d’y accéder. Bien sûr, la Bible et autres petits volumes religieux étaient facilement accessibles. Pour le reste, il fallait avoir ses entrées dans les milieux « éclairés », ce qui n’était pas toujours bien vu ! Madame Roland en paya le prix fort.

Et que dire de ces freins qu’exerçaient la bienséance et la morale ? « Je suis tourmentée depuis quelques temps par le besoin d’exercer mon esprit, de produire quelque chose, et par l’impuissance où mille circonstances me mettent de satisfaire à ce besoin. Je ne suis point assez libre, assez maîtresse de mon temps pour en consacrer une grande portion à des occupations littéraires. Je ne puis m’y livrer sans quelques remords, sans être poursuivie par l’idée que je néglige peut-être d’autres devoirs. » Aimée Steck-Guichelin.

Ou ces propos rapportés par Madame Roland : « Elle lit, votre petite fille, Mademoiselle Rotisset ? – La lecture est son plus grand plaisir : elle y emploie une partie des jours. – Oh, je vois cela : mais prenez garde qu’elle ne devienne une savante, ce serait grand-pitié »

On l’aura compris, l’ouvrage traite d’un univers féminin, pas très lointain, encore fortement sous l’emprise des hommes. « Les femmes, en général, n’aiment aucun art, ne se connaissent à aucun, et n’ont aucun génie. Elles peuvent réussir aux petits ouvrages qui ne demandent que de la légèreté d’esprit, du goût, de la grâce, quelquefois même de la philosophie et du raisonnement. Elles peuvent acquérir de la science, de l’érudition, des talents et tout ce qui s’acquiert à force de travail. Mais ce feu céleste qui échauffe et embrase l’âme, ce génie qui consume et dévore, cette brûlante éloquence, ces transports sublimes qui portent le ravissement jusqu’au fond des cœurs, manqueront toujours aux écrits des femmes : ils sont tous froids et jolis comme elles. » C’est la pensée de Jean-Jacques Rousseau, dans sa Lettre à d’Alembert. Qu’il ressuscite donc et lise Marie NDiaye, il changerait peut-être d’avis !

Et Madame de Genlis s’en offusque à peine, tant cette idée est inscrite dans les esprits : «Penseuse !… Pourquoi ce mot n’est-il pas français ? Il serait beau de mettre cette expression à la mode ; mais je crains bien qu’elle ne prenne jamais. Penseuse !… cela est si ridicule à l’oreille !... Ne nous en fâchons point… Nous nous plaignons des hommes qui veulent que nous ne soyons ni esprits forts, ni philosophes, ni politiques, ni penseuses ; mais ils nous répètent : pour être charmantes et toujours adorées, soyez femmes. Que peuvent-ils donc nous dire de plus aimable et de plus flatteur ? »

Ces écrits, ces mémoires et journaux de femmes du XVIIIè siècle ont été réunis dans un bel ouvrage, présenté et annoté par Catriona Seth. Elle est historienne, spécialiste du siècle des Lumières, et a eu l’heureuse idée de nous donner à découvrir les pages intimes de femmes issues d’un milieu aristocratique ou bourgeois (et parisien !). Là où la culture était à disposition, et dans la mesure où elles avaient un fort désir d’éclairer leur esprit, de perfectionner leur raison, et donc, bien évidemment de s’émanciper. Ce sont des femmes de caractère qui, humblement, sans jamais s’illusionner sur le sort qui sera donné à leurs récits, se sont livrées corps et âme sur le papier. En solitude, au fond d’une geôle, dans le silence d’un couvent… ou à la fin de leur existence.

Et c’est d’une beauté confondante, par leur style, leur façon de conter les évènements dont elles sont témoin, de portraiturer leurs contemporains, ou encore par leur talent à nous faire partager leurs doutes, leurs peines, leurs plaisirs et leurs pensées les plus profondes. J’en fus à la fois émue, éblouie et fortement remuée.

Chaque journal, cahier, mémoire ou « souvenirs » m’a donné le sentiment d’entrer dans une vie tout à fait particulière, de m’y promener comme dans un roman – impatiente de voir où leur destin allait les mener, tant l’emprise qu’elles avaient sur lui était infime. Elles dépendaient de leur père, de leur mère ou de leur mari. Sinon, seul refuge : le couvent !

Je fus en osmose avec la mémorialiste, imaginant pleinement le monde qui l’entoure, vivant avec elle, au quotidien, les sentiments qui l’animaient, tant chaque écriture est sincère, généreuse, et tellement vertueuse . Le poids de l’éducation et quelle éducation ! Le retour qu’elles ont sur elles-mêmes leur dictait souvent des conseils de bon sens, réflexions intemporelles et qui se découvrent au fil des pages, avec délectation.

Sur la séduction, par exemple : « Les premières et les dernières conquêtes sont celles dont on se sait plus de gré. Quand on est bien jeune, c’est quelque chose de plaire déjà ; et c’est beaucoup de plaire encore quand on se trouve sur le retour. »

Ou ce que l’on nomme à présent l’état de déprime : « Le meilleur moyen de calmer les troubles de l’esprit n’est pas de combattre l’objet qui les cause, mais de lui en présenter d’autres qui le détournent et l’éloignent insensiblement de celui-là. Je ne trouvai moyen de soutenir l’attente de cet arrêt, qui me réduisait à la dernière extrémité, qu’en arrêtant l’agitation de mon esprit par une forte application sur des matières abstraites. Je crois qu’il serait facile d’employer ce moyen, et de le tourner en habitude, si l’on s’y accoutumait de bonne heure ; et qu’on s’épargnerait en partie, par cette voie, les inutiles tourments de l’inquiétude. »

Madame Roland monta sur l'échafaud avec une "douce fierté".

Madame Roland monta sur l'échafaud avec une "douce fierté".

Madame Roland, qui a ma préférence dans ces textes, par son intelligence et son courage, sa volonté et sa loyauté, son esprit critique, et bien sûr son sens politique, m’a donné à lire ce qu’il y a de plus profond et de plus sensé. Fine observatrice, c’est par exemple avec drôlerie qu’elle nous décrit une Madame Roudé «qui, malgré son âge, aimait encore à faire belle gorge et portait toujours la sienne à découvert, excepté lorsqu’elle montait en voiture ou qu’elle en descendait : car elle la cachait alors d’un grand mouchoir qu’elle tenait à sa poche dans cette intention, parce que, disait-elle, cela n’est pas fait pour montrer à des laquais. »

C’est avec exigence qu’elle se moque du « paraître » : « D’ailleurs ma grande affaire c’était mon bonheur, et je n’ai jamais vu que le public se mêlât de celle-là pour quelqu’un sans la gâter. Je ne trouve rien de si doux que d’être apprécié à sa valeur par les gens avec lesquels on vit, et rien de si vide que l’admiration de quelques personnages qu’on ne doit point rencontrer. »

Et avec un idéalisme forcené lorsqu’elle prend position – et particulièrement contre « le charlatanisme des prêtres, le ridicule de leurs histoires ou l’absurdité de leurs mystères ». « Il en est de la religion comme de tant d’autres institutions humaines ; elle ne change point l’esprit d’un individu, elle s’assimile à sa nature, s’élève ou s’affaiblit avec lui. Le commun des hommes pense peu, croit sur parole et agit par instinct, de manière qu’il règne une contradiction perpétuelle entre les préceptes reçus et la marche suivie ».

Plus loin : « Croyez-vous que dans un siècle aussi corrompu, dans l’ordre social aussi mauvais, il soit possible de goûter le bonheur de la nature et de l’innocence ? » On se pose toujours la question !

Ce fut véritablement une femme des Lumières, une révoltée dans l’âme, mais qui jamais ne cherchera à se mettre en avant. Selon Catriana Seth, c’est avec « une douce fierté » qu’elle montera sur l’échafaud, condamnée à mort pour ses idées républicaines. Catriona Seth dont il faut louer au passage le talent de nous donner, en préface et avant chaque chapitre, ou en notes de bas de page, nombre d’avis et de connaissances appréciables.

Madame de Staal-Delaunay est bien différente : d’origine peu aisée, dame de compagnie de la Duchesse du Maine, elle fera des aller-retour au couvent à chaque fois que la nécessité l’y obligera. Notamment après une sorte de compromission, de celles dont on est encore témoin aujourd’hui, dans les affaires politiques. Et là, j’y apprendrai que ces réclusions volontaires n’étaient pas gratuites : il fallait soit les monnayer, soit payer de sa personne par de menues tâches ménagères.

Ce n’est que bien tard qu’elle trouvera un mari (ou plutôt qu’on lui trouvera, il lui fallait l’aval de sa Duchesse). Un homme qu’elle jugera digne d’elle-même. Voilà en quels termes elle nous le présente : « Je fus contente du maître de la maison, de son maintien, d’une certaine politesse non étudiée qui part du cœur et annonce un caractère doux et bienfaisant. En effet, c’est le sien. Son âme, exempte de toutes passions, va vers le bien par une pente naturelle, sans être retenue ni détournée par rien. Il en résulte, de ce calme inaltérable, une parfaite égalité d’humeur ; des vues saines, parce qu’elles ne sont offusquées d’aucun trouble d’esprit ; plus de justesse que d’abondance d’idées ; peu de discours, mais sensés ; enfin quelqu’un dont la société ne peut incommoder, aussi incapable de faire naître l’engouement que de donner du dégoût. Je sentis confusément tout ceci, que je démêlais par la suite ; et je trouvai un homme que la nature avait placé où la raison ne saurait arriver. Nous eûmes une conversation après le dîner, dans laquelle on traita l’affaire dont il s’agissait… Quand je fus montée en carrosse, il mit à mes pieds un petit agneau le plus gras de son troupeau, qu’il me pria d’emmener avec moi. Cette galanterie pastorale me sembla parfaitement assortie à tout le reste. »

Au-delà des idées, ces extraits donnent une idée de ce style incomparable. A jamais disparu, je pense… Que l’on est loin de la twitterature, gazouillages phonétiques, écritures brèves et fragmentaires, tapotées sur des claviers, lorsqu’on s’immerge dans ces lectures d’un autre temps. Un temps où l’on écrivait à la plume, penché sur un bonheur-du-jour en bois précieux, sur lequel on pouvait trouver quelques rares petits volumes reliés en veau ou en maroquin, d’une exquise élégance.

La langue était savante, et elle en rebutera probablement certains : des imparfaits du subjonctif à tire-larigot, des points-virgules qui fourmillent, des entortillements de phrases qui vous obligent à revenir en arrière, et la répétition de ces grâces, sensibilités, inclinations, transports et autres sentiments aimables et ingénus…

Il y a tellement de candeur dans ces témoignages, une telle exagération dans les sentiments, tellement de lyrisme et de romanesque, et de la mélancolie, souvent ! Ecriture spécifiquement féminine, certainement, dont il reste encore des traces aujourd’hui, dans cet investissement du domaine du cœur, des passions et de l’intime – quoiqu’en disent certains.

Je passe sur le large éventail d’expressions savoureuses, à redécouvrir, d’états à présent dépassés comme ces accablements de vapeurs (« maladie de femmes du monde, nous dit Catriona Seth, aux symptômes peu précis, et qui recouvre les maux de tête, malaises, crises mélancoliques et autres expressions du mal de vivre »), ou de simples mots, tombés en désuétude, dont on peut regretter la disparition de par leurs sonorités cocasses ou poétiques : péronnelles et fariboles, billevesées et mercuriales, passe-volant (devinez !), sigisbées ou savantasses….

Il serait trop long de développer la personnalité de toutes ces diaristes, mémorialistes et autrices citées dans cette Fabrique de l’Intime. Elles sont quinze au total, dont une nonne, Françoise-Radegonde Le Noir, dont les confidences m’ont, elles, laissée de marbre. Une « Toute à Dieu : rien que Dieu » qui fait « croître et fructifier sa peine » par automutilations, pénitences, abstinences et autres pratiques délirantes absolument incompréhensibles à nos esprits d’aujourd’hui.

Félicité de Genlis avide d'indépendance et de liberté.

Félicité de Genlis avide d'indépendance et de liberté.

Par contre, j’aurais aimé rencontrer Félicité de Genlis. La plus éclectique et la plus féministe, je trouve, de cet aréopage de femmes – en recherche d’indépendance et de liberté. « On n’est libre que lorsque le sort d’aucun être chéri ne dépend de soi, de son existence, de ses soins, ni de sa fortune ; dépendre soi-même d’un autre est un lien mille fois moins fort. »

C’est à la faveur d’une succession de petits récits, de réflexions juxtaposées, sans véritable lien les uns avec les autres, que l’on découvre nombre de gens célèbres qu’elle côtoie, ou dont elle entend parler. Cette adepte du « name dropping », comme on dirait aujourd’hui, nous régale de ses fines observations. Ne dit-elle pas du Maréchal de Richelieu qu’il était « difficile à servir et plein de hauteur et d’humeur avec ses gens ; ce qui est presque toujours la preuve d’une conscience agitée : les âmes pures et tranquilles répandent toujours dans l’intérieur de leur maison une partie du calme heureux dont elles jouissent. » Voltaire, Rousseau, Gibbon et bien d’autres encore passeront sous sa plume… et elle se piquera également de donner quelques bons conseils à visée pédagogique, que je ne résiste pas à vous donner en pâture : « L’ancienne éducation qui exigeait des enfants une certaine contention d’esprit, avait cela d’excellent qu’elle accoutumait de bonne heure à s’occuper de choses abstraites. Je ne puis assurément décider s’il est indispensable, pour bien écrire dans sa langue, de savoir le grec et le latin ; mais je conçois que rien n’est plus utile que d’avoir pris dès l’enfance l’habitude de s’appliquer sérieusement. A force de vouloir épargner de la peine aux enfants, on les rend indolents et souvent on les condamne à une éternelle frivolité… Si l’on ne dirige pas avec autorité les lectures des jeunes gens, que liront-ils ? »

Mary Robinson, l'une des plus belles femmes de son temps.

Mary Robinson, l'une des plus belles femmes de son temps.

Quant à Mary Robinson, pour y revenir, quel personnage ! Quelle destinée ! C’était, paraît-il, l’une des plus belles femmes de son temps. Elle restera longtemps sous la coupe de sa mère, et de son mari, qu’elle épouse à 15 ans. Un libertin désargenté qu’elle va suivre jusqu’en prison – et c’est là que l’on découvre que même dans cette horrible demeure, les captives font salon, préservent leur privilège de garder auprès d’elles femme de chambre ou bonne d’enfant, obtiennent encre et papier pour écrire leurs billets, ou plus encore…

Madame de Staal-Delaunay déjà nous disait qu’elle y trouvait plus de liberté qu’elle n’en avait perdu : « Il est vrai qu’en prison l’on ne fait pas sa volonté ; mais aussi l’on n’y fait point celle d’autrui ; c’est au moins la moitié de gagné. L’éloignement de toutes sortes d’objets y écarte les désirs, ou l’impossibilité d’en satisfaire aucun les étouffe dès leur naissance. Il n’en est pas de même dans la servitude : tout s’y offre et se refuse en même temps à nos souhaits. Là encore on est exempt des assujettissements, des devoirs, des égards de la société ; et, à tout prendre, c’est peut-être le lieu où l’on est le plus libre. »

Elle déploie des efforts considérables pour préserver sa vertu, malgré les sempiternelles frasques de son époux infidèle et la foule des adorateurs qui se pressent autour d’elle. Avec un grand plaisir et beaucoup de succès, elle fait une carrière d’actrice sur la scène des théâtres, pour engranger quelques subsides afin de régler les dettes de son horrible mari… Elle y rencontre là le Prince de Galles, en décembre 1779, pour lequel elle éprouve les plus vifs sentiments. Elle succombe. Mais elle n’aura pas l’empire qu’elle imagine sur ce prince, qui la quittera rapidement…

Le ton ne varie pas, tout au long de ses mémoires : elle se plaint et dénonce, se justifie, se lamente sur l’injustice faite aux femmes, sur l’obligation de subir les offenses et outrages de la gent masculine parce que, toujours, elle s’opposera à déployer toute « l’artillerie de la séduction » pour obtenir un confort, un privilège, une aisance dans le monde. « La cruauté avec laquelle les hommes nous trompent m’a toujours étonnée, je n’ai jamais pu concevoir quel dérèglement du cœur ou de l’esprit a pu lui donner naissance ; je croyais les femmes amies lorsqu’elles disaient l’être, les hommes amants, lorsque surtout rien ne les obligeait près de vous à prendre ce titre qui devrait être le contrat le plus indissoluble lorsqu’il est signé de la volonté des deux parties. Que mes opinions étaient erronées ! »

Si vous arrivez à la fin de cette longue présentation, sans vous être découragé… et si mes longs extraits vous donnent l’envie d’entrer dans ces intimités si délicates, sachez aussi que La Fabrique de l’Intime vous occupera de longs moments. Il y a là plus de 1 200 pages, sur papier bible, à entreprendre avec du temps devant soi… C’est un voyage dépaysant au possible, dans une préhistoire d’un monde littéraire en puissance, celui de ces femmes écrivains, femmes des Lumières, pionnières dans un domaine que jamais encore elles n’avaient investi avec tant d’affirmation et de courage.

Mais probablement est-ce parce qu’elles ignoraient un jour être lues, qu’elles n’ont eu aucun scrupule à se livrer ainsi entièrement, à entrer en introspection ainsi sans entraves, et s’affirmer dans leurs particularités sans l’ombre d’un artifice.

Madame de Staël. Son père l'appelait : "M. de Saint-Ecritoire".

Madame de Staël. Son père l'appelait : "M. de Saint-Ecritoire".

Je viens de réaliser que j’ai omis de vous parler de la grande Madame de Staël, présente bien sûr dans cette anthologie, alors qu’elle ne s’appelait encore que Mademoiselle Necker. Mais quel bel esprit d’analyse déjà, à 19 ans, quelle maturité dans sa capacité à décrire son ressenti et à analyser les caractères ! « M. de Saint-Ecritoire » la surnommait son père, c’est dire sa passion pour l’écriture. Je n’en dirai pas plus, il faudra que j’y revienne. Que je prolonge cette lecture par d’autres encore de cette femme exceptionnelle.

Parce qu’il me sera certainement difficile de quitter ces autobiographies, dont la beauté transpire encore au travers de ces feuillets d’un autre âge, pour les troquer contre notre prose contemporaine, bien plus fade en comparaison.

A ces femmes à présent disparues, si je pouvais m’adresser à elles, par-delà les siècles qui nous séparent, je leur dirai que leurs tourments n’ont pas été vains. Leurs efforts pour s’élever dans la sphère intellectuelle nous ont portées vers des existences plus libres, plus aisées, et elles auraient certainement grand plaisir à découvrir qu’il y a, dans ce qu’on appelait alors « les cabinets de lecture », bon nombre de leurs héritières qui publient des livres et prolongent ainsi leur amour de la lecture et de la littérature.

Chantal Lévêque

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H
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C
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R
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N
tres finement ecrit, merci ! vous faites honneur a ces dames (et donnez envie de les lire !)
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