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Publié par Christian Di Scipio

« Ces femmes-là » de Gérard Mordillat

 

Editions Albin Michel, 370 pages, 21,50 €

 

Gérard Mordillat fait partie de ces touche-à-tout jamais rassasiés d’expériences nouvelles dans des domaines aussi divers que la littérature, l’histoire sociale, l’histoire des religions, le cinéma, le théâtre ou la bande dessinée. 

Dans « Ces femmes-là », Mordillat  veut rendre hommage aux femmes de bien qui ont fort à faire pour endiguer la loi des mâles, qu’ils soient  de gauche ou de droite, violents ou couards, fascistes ou gauchistes. Le livre se situe dans un futur proche, à la veille des Jeux Olympique 2024.

Les projets liés aux Jeux, telles la construction d’équipements sportifs délirants ou la réalisation d’infrastructures routières et ferroviaires pharaoniques coûtant une fortune, le gouvernement de droite, une droite dure, contraint les chômeurs à mériter les aides de l’Etat en venant travailler sans salaire sur les chantiers.  

La colère gronde dans les couches de la population démunie, déjà harcelées dans leur survie quotidienne par un train de mesures antisociales insupportables. Maxence, le leader des anarchistes, est bien décidé à  abattre ce pouvoir des nantis qui crée au fil de sa gouvernance un « monde prison-coffre-fort où il n’y a que le fric, les flics et rien d’autre.»Pour lui et ses amis « il faut arrêter d’attendre la Révolution, le grand mouvement social ou l’apocalypse nucléaire ; Il faut que nous soyons un cataclysme, un tsunami insurrectionnel qui balaiera l’arrogance des puissants et l’exploitation de tous par quelques uns ». 

Quant au pouvoir incarné par le président Saint-Raymond, il se permet un discours télévisé d’un cynisme total dans lequel il constatait que puisque les classes défavorisées ne votaient plus, que seules participaient aux scrutins les populations diplômées disposant d’un revenu mensuel confortable« la démocratie ne serait pas plus mal servie si on réduisait drastiquement le corps électoral aux nantis constituant l’aristocratie de la République ». 

Pour bien nous signifier la correspondance évidente entre la situation actuelle de la France et celle qu’il imagine dans cette fiction, Gérard Mordillat reprend le mot « perlimpinpin » macronien et l’idée du fameux « ruissellement » qui voudrait que l’enrichissement des privilégiés ait une conséquence bénéfique sur les pauvres. On ne peut s’empêcher de penser au mouvement des Gilets jaunes, mais comme le livre a été imprimé en décembre 2017, le moindre des mérites que l’on peut attribuer à Mordillat, c’est d’avoir anticipé l’actualité sociale de son temps. 

La folle journée 

Telle une tragédie classique, la trame de ce roman de politique fiction se déroule dans une unité de lieu : Paris. Une unité de temps et d’action : un jour de manifs et de contre manifs où les anarchistes projettent de casser du flic, les fachos de dézinguer du musulman, les islamistes de tuer des « Céfrans » au nom d’Allah,  

Et les femmes dans tout ça ? Elles sont actives certes, mais à la différence des hommes, elles ne se laissent pas aller au fanatisme imbécile. Elles savent raison garder, mais elles peuvent aussi faire preuve de courage dans le combat. Et aussi de lucidité quand elles savent mesurer la vanité de certains massacres et en limiter les dégâts. 

Plus que des portraits de femmes,  Mordillat a réalisé une description de la société française dans ses strates les plus diverses : les bourgeois égoïstes, les politicards sans scrupules, les prolétaires sans avenir, les révolutionnaires sans loi ou les islamistes sans valeurs. Le seul problème réside dans l’accumulation des personnages qui saisit le lecteur dès les premières pages. Pas toujours facile de s’y retrouver, surtout après avoir reposé le livre quelques heures. Mais, une liste des personnages en fin de texte permet de s’y retrouver sans trop de difficultés.   

Un livre militant certes, mais aussi une sorte de conte cauchemardesque très éclairant sur la situation sociale qui mine la société française contemporaine depuis de nombreuses années. Reste à espérer que la folle journée décrite par Gérard Mordillat ne devienne pas dans un proche avenir une terrible réalité. 

Christian Di Scipio

 

 

De la Sociale à Jésus 

En 1981, Gérard Mordillat, âgé de 32 ans, dirige les pages littéraires du jeune quotidien Libération. C’est à ce moment qu’il apparaît sur la scène littéraire avec « Vive la sociale », un livre autobiographique dans lequel il fait revivre des personnages hauts en couleurs du quartier de Belleville où il a grandi. 

Sa culture communiste ne l’empêche pas de s’intéresser au personnage de Jésus-Christ auquel il consacre pas moins de sept livres en collaboration avec Jérôme Prieur. Il en sortira une série télévisée en 1998, Corpus Christi, diffusée sur Arte en 1998. 

Longtemps compagnon de route du Parti Communiste, il n’a pas changé et est resté fidèle à son engagement auprès de la gauche radicale. Il a même écrit en 2016 « Moi, Présidente », une sorte de pochade que l’on nomme « sotie » en bon langage littéraire. Dans cette réjouissante caricature de ce que serait un gouvernement d’extrême droite en France, il met en scène une femme complètement allumée gouvernant avec, entre autres,  un « ministre de Ma Guerre » et un « ministre du Racisme Efficace ». La charge vise un parti style Front National accédant au pouvoir suprême dont la dirigeante crierait enfin tout haut ce que certains éléments gravitant dans son orbite penseraient tout bas. Féroce et terrifiant !

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