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Publié par Sylvie Coral

« Les victorieuses » de Laetitia Colombani

 

Editions Grasset – mai 2019 – 219 pages

 

Un fait, dit divers, est relaté par les médias : juillet 2019, dans une ville du Sud de la France, une jeune mère de quatre enfants est poignardée par son conjoint. Cet acte odieux, sinistre réplique de tous ceux qui l’ont précédé, illustre tragiquement cet extrait du nouveau roman de Laetitia Colombani : « Tous les deux ou trois jours, une femme meurt sous les coups de son conjoint, dans ce pays qu’on dit civilisé. Jusqu’à quand ? Dans la nature, aucune autre espèce ne se livre à ce jeu de massacre. La maltraitance des femelles n’existe pas. »

Le fleuve infect de la violence sur les femmes a pris sa source dans la nuit des temps. Depuis, il trace sans relâche ni boussole son funeste lit. Aucune contrée, aucun milieu ne sont épargnés.

Mais il existe des gens bien, des êtres qui luttent contre cette ignominie. Quand certains érigent des palais en l’honneur de femmes aimées, d’autres en ouvrent pour les protéger. Ici, ce n’est pas du Taj Mahal qu’il est question. 

L’auteure nous ouvre les portes du 94 rue de Charonne, dans le XIème arrondissement de Paris.

Nous entrons timidement dans le Palais de la Femme, emboîtant le pas à Solène, une avocate quadragénaire surmenée, dépressive depuis le récent suicide d’un de ses clients à l’issue d’une audience. Choquée, elle a le sentiment que sa vie et ses repères ont basculé dans le vide, en même temps que lui. Lors d’une consultation, son psychiatre lui suggère de se tourner vers le bénévolat, de sortir d’elle-même pour aller vers les autres.

Une recherche sur internet lui permet d’entrer en relation avec le Palais de la Femme, qui recrute un écrivain public. Malgré ses doutes, son inexpérience et ses moments de découragement, Solène va mettre sa plume à la disposition de femmes aux destins très divers. Elles ont pour dénominateur commun d’être en situation de précarité ou d’exclusion. Elles sont migrantes, mères seules, ou ayant connu la rue, ou l’alcool, ou la drogue, ou tout à la fois.

Derrière cela, nous découvrons l’histoire vraie de ce Palais de la Femme. Nous en devons l’existence  à Blanche Peyron (1867 – 1933), sans le courage, l’abnégation et la ténacité de laquelle il n’aurait pu voir le jour. Blanche et son mari Albin Peyron, tous deux engagés dans l’Armée du Salut, vont parvenir à réunir les onze millions de francs nécessaires à l’acquisition et à la réhabilitation de cet imposant immeuble. Rien n’arrêtera Blanche Peyron, pas même la maladie. Grâce à son charisme et à sa force de conviction appuyés par l’indéfectible et efficace soutien d’Albin, le Palais de la Femme sera inauguré en juin 1926.

Ce livre entremêle une fiction contemporaine réaliste et une page d’Histoire méconnue. Il remet en lumière une femme d’envergure, humaniste et sans concession. « Elle retrouve les vers de Victor Hugo, son cher Victor Hugo, dont elle aime tant le souffle et reconnaît l’engagement :

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont 

Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front.

Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime.

Ceux qui marchent pensifs épris d’un but sublime. »

 

Avec un titre sonnant comme un défi, « Les victorieuses » transmet une belle énergie au lecteur qui, ému, se sent convié à « faire sa part », tel le colibri de Pierre Rabhi. 

 

 

Laetitia Colombani est une romancière, cinéaste et comédienne française. Son premier roman, « La Tresse » (2017), adapté au cinéma, a déjà rencontré un très grand succès. « Les victorieuses » sont peut-être la seconde mèche d’une longue et belle tresse.

Sylvie Coral

 

 

Photos de haut en bas :

 - Portrait de Laetitia Colombani par Céline Nieszawwer.

- Façade du Palais de la Femme dans le XIème arrondissement à Paris.

 

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