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Publié par Chantal Lévêque

« La police des fleurs, des arbres et des forêts »

de Romain Puértolas

 

Éditions Albin Michel, 352 pages

 

Né à Montpellier en 1975, Romain Puértolas est notamment l’auteur de « L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikea » et « La petite fille qui avait avalé un nuage grand comme la tour Eiffel ».

 

Il ne sera pas question ici d’un fakir coincé dans une armoire ni d’un nuage grand comme la Tour Eiffel, loin de là, même si le titre de ce dernier ouvrage de Romain Puértolas invite tout autant à la rêverie. Qu’est-ce donc que cette « police des fleurs, des arbres et des forêts » ? 

Il faut se transporter dans les années 60 pour comprendre qu’il s’agit là de ceux que l’on appelait alors les gardes-champêtres. Et qui dit police dit peut-être roman policier, et c’est bien le cas. Sur un ton bien plus sage et ordonné que dans ses précédents romans, l’écrivain (qui eut naguère affaire à la police, mais du bon côté !) se lance sérieusement dans le genre. Ce ne serait, parait-il, que le premier tome d’une trilogie déjà écrite. 

Dès les premières pages, le décor est planté. Un meurtre « d’une violence inouïe », celui d’un orphelin de 16 ans dans un village isolé et un nombre de suspects aussi important que celui de ses habitants - si l’on en croit l’avis de l’enquêteur, à savoir un jeune officier de police citadin dépêché sur place. Jeune et talentueux, mais surtout fin psychologue. Diplômé en la matière très précisément, et il s’en targue. Méticuleusement, il va mener l’enquête, ne laissant rien passer. Jusqu’au monogramme brodé sur le mouchoir de celui qui l’assiste, le garde-champêtre Provincio. Ainsi nommé pour insister peut-être sur le fait que nous sommes bien au fin fond de la province, au cas où nous l’aurions oublié, là où « tout existe à l’unité » : le facteur, le boucher, le médecin, où les patronymes sont inexistants, où la vie est somme toute aussi bruyante qu’en ville mais bien moins chère.

Rudimentaire, lit-on entre les lignes. Notables, famille, voisins voisines, tous sont interrogés dans les règles de l’art, chaque entretien enregistré en douce grâce à un tout nouvel appareil à bandes et dépêché via les P&T à l’adresse de Madame le Procureur de la République qui est en ville.

La forme de ce roman est toute particulière, on a tôt fait de s’en rendre compte en feuilletant l’ouvrage. C’est un roman épistolaire. Rien que des comptes rendus assujettis de diverses annexes. Pas l’ombre d’un coup de téléphone, bien sûr : à l’époque c’était un luxe… et de plus, il y a eu sabotage suite au meurtre. Les fils ont été coupés. Et tout est de cet acabit dans cette histoire : la lenteur comme dénominateur commun, offrant au récit une couleur sépia tout à fait raccord.

De la fantaisie «puertolasienne», de celle de ses antécédents récits, nulle trace si ce n’est quelques herbes rouges. Quant à l’humour, un brin « bon enfant », il se niche principalement dans les commentaires sur les us et coutumes provinciaux de notre « inspecteur de la grande ville »

Même si le sujet (la puissance du mal), le contexte (le milieu rural) et l’atmosphère (glaçante) ressemblent étrangement à celui du superbe roman « XY » de Sandro Veronesi*, il n’en a ni l’originalité ni la profondeur. 

Par contre, et c’en est très certainement le point fort, l’élucidation de l’énigme est bluffante ! Comme dit dans les toutes premières pages, il est vraiment question d’un « coup de théâtre époustouflant ». Il a la saveur particulière de la chute dans une nouvelle. Forme d’ailleurs que l’auteur aurait pu lui faire prendre, en étant plus concis. Impossible bien sûr d’en donner la moindre idée, mais cette pirouette vaut largement le temps que vous prendrez à sa lecture. Un temps court, précisons-le, tant l’écriture de Romain Puértolas ne souffre d’aucune sophistication. 

Réflexion faite, le livre achevé reposant sur mes genoux… je me demande : ne se cacherait-il pas quelque chose de la parabole dans l’élucidation de cette intrigue ? A trop vouloir bien faire… Tel est pris qui croyait prendre… Ou encore : à trop s’attacher au but à atteindre, on en oublie les détails… 

C’est un tout petit indice que je vous livre là. Tout petit… 

Chantal Lévêque

 

* Lire dans ce blog : "Le curé et la psy mènent l'enquête".

 

 

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