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Publié par Sylvie Coral

L'eau des deux rivières. Colette de Patrick Fornos

Editions Balzac, 299 pages.

Ce roman a obtenu le prix Odette Coste des Vendanges littéraires. Patrick Fornos sera à Rivesaltes les 1 et 2 octobre prochains.

Colette est le second tome d’une suite intitulée L’eau des deux rivières. Le premier volume, Ángel fait débuter l’histoire en 1916, en France, lors de la mort accidentelle du père du jeune Ángel Flores, ouvrier dans les mines de fer du Canigou. Ángel est l’aîné d’une fratrie de trois garçons. Les difficultés, le décès prématuré de sa mère et sa quête d’idéal vont le conduire à militer au sein du groupe anarcho-syndicaliste de Santa-Coloma puis, plus tard, à s’engager dans une colonne de volontaires pour combattre les nationalistes.
Dans le même village de Santa-Coloma, la jolie et dynamique Colette Salvat clôt son adolescence en s’éprenant de Dago, un garçon de café qui gagne à être connu et qu’elle épouse en février 1934. Sa meilleure amie, Montserrat, lui emboîte le pas en se mariant avec Ramon, le frère cadet d’Ángel.
La guerre civile éclate en juillet 1936 et durera presque trois ans. Trois années durant lesquelles les destins de ces personnages et de leurs familles respectives vont se croiser et se lier. L’amitié entre Montserrat et Colette, en dépit des errances et séparations, constitue la charnière du diptyque.
Colette est une battante, une femme positive et travailleuse. L’engagement de Dago, son mari adoré, dans une colonne libertaire, la laissera seule de longues années pour faire face aux besoins de leurs deux jeunes enfants. Malgré le manque, les tourments et grâce à quelques trop rares retrouvailles, Colette ne baissera jamais les bras. Echouée en Normandie parmi de nombreuses autres femmes isolées, elle traversera à nouveau la frontière, dans les deux sens, pour soutenir les siens, restés en Catalogne sous le joug des franquistes. Fidèle à son unique amour, elle le retrouvera, où qu’il soit. Le roman, dense et servi par une très belle écriture, nous emporte depuis un village de Catalogne, vers une Barcelone vivante avant d’être affamée, puis à travers les Pyrénées et dans le Nord-ouest de la France, pour nous mener dans la plaine du Roussillon.
Des Colette, révélées par cette immense tragédie du XXème siècle que fut la guerre civile d’Espagne, il y en a eu certainement beaucoup. De ces femmes débrouillardes, tenaces, de ces louves protectrices de leurs petits, conscientes qu’il n’y avait d’autre choix que de reconstruire avec des bouts de ficelle et regarder devant, sans se plaindre. Des Colette, il y en a encore aujourd’hui.
Mais le roman explore un autre itinéraire, celui qui conduit de l’enthousiasme au désenchantement, lorsque les idéaux pour lesquels on risque sa vie s’abîment dans la désillusion.
Patrick Fornos est né en 1960 à Perpignan. Ses parents, Espagnols d’origine, ont émigré en France à l’issue de la guerre civile. Il grandit à Thuir, puis fait ses études de médecine à Montpellier tout en poursuivant une carrière sportive. Depuis une quinzaine d’années, il a choisi de partager son temps entre l’écriture et la médecine générale, qu’il n’exerce plus qu’à temps partiel.
« C’était peut-être ça, au fond, la vraie lucidité ? Reconnaître son impuissance à rester toujours le même. » Si Ramon, un des personnages du roman de Patrick Fornos, s’était exprimé à propos de son auteur, sans doute aurait-il reformulé en mettant un accent admiratif sur sa capacité à se transformer.
L’eau des deux rivières, saga composée de Ángel (2020) et Colette (2022), fait suite à Sambucus. Le roman d’un apéritif (2010) et La Braise des Coquelicots (2012).

Sylvie Coral

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