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Publié par Sylvie Coral

La voix intérieure de Marc Lavoine

« L’homme qui ment » de Marc Lavoine

Editions Fayard, janvier 2015,190 pages.

Sous ce titre complété d'un sous-titre énigmatique ("Ou le roman d'un enjoliveur - basé sur une histoire fausse"), Marc Lavoine relate son enfance, parlant au bout du compte moins de lui-même que de ses parents et surtout de son père, Lulu, à la personnalité bouillante et peu conventionnelle.

Le petit Marc, qui aurait dû se prénommer Brigitte si le vœu de sa maman avait été exaucé, voit le jour en 1962 à Wissous, en banlieue parisienne. Il y grandit entre des parents aimants, Lulu et Michou, ses grands-parents et son frère ainé, Francis, son modèle et protecteur. Lulu est fonctionnaire aux PTT, encarté au parti communiste, syndiqué à la CGT, charismatique et coureur de jupons. Marc Lavoine nous décrit pourtant une vie de famille tranquille, somme toute ordinaire, où l’on part en camping dans le Lot, ou bien coller des affiches dans le quartier, toujours ensemble et soudés.

Ce bonheur à la française, normal en apparence, est un peu altéré par la personnalité de Lulu, incorrigible jouisseur et dragueur invétéré, à ce point dominé par ce péché mignon qu’il en oublie la réserve de mise devant ses propres enfants. Marc et Francis, adolescents, seront à leur cœur défendant les témoins silencieux et meurtris des frasques de leur père et de la mélancolie de leur mère. Pourtant, malgré le trouble, les non-dits, la détresse et parfois la colère, Marc voue à Lulu un amour puissant et indéfectible.

« Je grandissais et je devais faire semblant avec ceux que j’aimais le plus au monde, mon père que je devais protéger de mon regard pour qu’il ne se sente pas trop coupable, pour ne pas lui renvoyer le reflet de ma déception ou de ma détresse, et ma mère que je devais convaincre de ne pas s’enfermer dans sa solitude, dans ce châle de tristesse qui parfois la recouvrait comme le linceul des amours perdues. »

La voix intérieure de Marc Lavoine

Au-delà du récit tendre, émouvant et souvent souriant, l’auteur raconte une enfance des années soixante, soixante-dix, où l’on jouait et rêvait dehors, seul ou entre copains, dans la rue, en colonie de vacances ou sur les terrains vagues : « J’enfourchais mon vélo rouge et je pédalais avec l’espoir de m’envoler, j’abandonnais ma monture dans un champ et je marchais le long des pistes d’Orly. J’étais seul au monde, incapable de changer les choses. Les avions qui décollaient vrombissaient sur moi ; absorbé dans leurs traînées blanches, je serrais mon espoir. Mon cœur tapait fort dans ma poitrine, à en faire trembler ma chemise. Je ramassais ma bicyclette demi-course couchée dans les herbes hautes de ce terrain vague où, près des caravanes blanches en semi-liberté, s’allumaient des feux de camp, et je suivais des yeux ces gens qui se lavaient à l’eau claire des lavoirs. »

Nous connaissions le chanteur, le comédien, nous ignorions encore tout de l’écrivain. On retrouve dans l’écriture de Marc Lavoine ce que l’on connaît de ses chansons ou de son jeu d’acteur : elle est sensible, authentique, humble, douce et grave à la fois. Elle est tout simplement l’écho de sa voix. Il y a là une cohérence rare qui devrait l’engager, vraiment, à poursuivre dans cette…voie.

Sylvie Coral

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