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Publié par Carole Vignaud

On peut compter sur René Depestre pour ne rien faire comme tout le monde. L’homme sans frontière, arrimé à Lézignan depuis maintenant 30 ans, l’Haïtien du monde, l’insolent contempteur des idéologies du XXe siècle, le poète engagé, le romancier inventeur d’une langue métaphorique propose son autobiographie sous forme d’entretiens. Des entretiens avec l’anthropologue spécialiste des sociétés créoles Jean-Luc Bonniol (ce qui explique cette parution aux éditions Odile Jacob).

 

Si on retrouve souvent la force de ses convictions et son talent de conteur, il ne faut pas s’attendre à retrouver dans cet ouvrage la puissance d’un écrit de Depestre. Pour autant, il est passionnant de parcourir la vie du petit garçon de Jacmel, du tout jeune journaliste qui a bien failli prendre le pouvoir en Haïti après avoir fait tomber le gouvernement grâce à un essaim d’abeilles surréalistes, de l’étudiant qui découvre Paris avant que ses « mauvaises » fréquentations (Césaire, Fanon, Senghor, excusez du peu) ne le fassent expulser de France et qu’Eluard ne lui trouve un point de chute à Prague… Les expulsions ne font que commencer pour celui qui perd rapidement ses illusions sur les lendemains qui chantent même si les sirènes de la révolution cubaine le charmeront plus longtemps. Ah, les femmes !

Ce récit d’une vie, plus qu’une autobiographie, est un voyage dans les grandes idéologies qui ont pu faire croire à des multitudes d’hommes que la tendresse pouvait recouvrir le monde. Aujourd’hui, René Depestre poursuit ses réflexions à voix haute sur la négritude, Haïti son île chérie oubliée de Dieu et trop mal aimée par les hommes et brosse le portrait des hommes qui ont compté dans sa vie de Borges à Sartre en passant par Diop. Lui qui a eu la chance de côtoyer des femmes solaires (il en parle ici trop peu) qui ne confondaient pas sexualité et agression, avoue que sa « real-utopie est aux abois » et que sa tendresse pour l’humanité peine encore à s’alimenter après plus de huit décennies d’espérance.

Carole Vignaud

 

Bonsoir tendresse

Préface de Marc Augé

Avant-propos de Jean-Luc Bonniol

Éditions Odile Jacob

240 pages, 23 €

A 91 ans, René Depestre ne songe guère à décrocher. Il confiait récemment à l’Indépendant qu’il avait encore « sept ouvrages en préparation ». Plusieurs études consacrées à sa vie et à son œuvre viennent de paraître : « René Depestre, du chaos haïtien à la tendresse debout », sous la direction de Frantz-Antoine Leconte ; « René Depestre, le soleil devant », sous la direction de Marie Joquevie-Bourjea et Béatrice Bonhomme ; « René Depestre, Hadriana dans tous mes rêves », de Jérôme Poinsot. Enfin, il a écrit le texte d’un beau livre sur le carnaval de Jacmel illustré de photos de Corentin Fohlen.

Illustrations de haut en bas :

René Depestre dans son bureau de la villa Hadriana à Lézignan-Corbières (Photo Fabienne Pireddu, l'Indépendant).

René Depestre en 1956.

René Depestre et Mao Zedong en 1961.

 

 

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