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Publié par Michel Lloubes

 

Albert Camus - Maria Casarès : "Correspondance 1944-1959"

 

Editions Gallimard. Avant-propos de Catherine Camus.

 

200 pages pour un seul et même « je t’aime », et pas une seule d’où il n’est absent… Ce ne sont pourtant pas deux adolescents escaladant leur Toi du monde, elle, l’exilée de vingt ans, ayant déjà bien roulé sa bosse amoureuse, comme d’autres la bosse des maths ; lui, vieil exilé avant l’heure d’une mère qu’il préférera toujours à la justice.
C’est long, 1200 pages lorsque l’on tient la chandelle et que rien de ces décoctions érotiques dont l’aujourd’hui littéraire nous abreuve, n’est là pour pimenter le regard en trou de serrure. Mais c’est beau, tous ces petits riens de tendresse échangée dans le manque de l’autre, ce manque, si grand pourvoyeur de lettres magnifiques… Et quel merveilleux rappel de ces temps où l’amour s’écrivait en toutes lettres, aux bons soins du facteur, sans fautes d’ortografe, ni émoticônes… 
Ah, la syntaxe de amor de Casarès, vive, précieuse, espagnole et galicienne, jusqu’au bout de son cap Finisterre qu’est Camus. España i yo somos asi… Lui, en Sisyphe remontant son rocher de passion enflammée ou suppliante, surprend parfois, on ne l’attendait pas dans ce rôle. Bab el Oued, la porte d’une rivière qui coule, pleure, jalouse, déborde même…
Contrairement à Mitterrand, qui écrivait à Pingeot autant qu’à la postérité, ces deux-là n’écrivent que pour eux seuls. D’où nombre de confidences sur leurs actualités qui pour n’être point télévisées, donnent leur éclairage sur une foultitude de personnages qui croisent leurs quotidiens respectifs. Du beau monde, donc, à commencer par le père de Maria, l’ancien ministre de la république espagnole, Santiago Casarès Quiroga, dont on vit en direct les derniers instants, à Paris dans leur appartement de la rue Vaugirard. Et puis, bien sûr les grandes figures du théâtre, de la littérature et du cinéma de l’époque. Simples rencontres ou grandes amitiés ; Reggiani, Gérard Philippe, Bouquet, Sartre et Beauvoir, Gide, Barrault, Vilar, bien sûr, Gallimard, Hebertot, Herrand, et tant d’autres qui se trouvent parfois, sévèrement jugés, pardonnés, ou aimés…
Bref, même s’il eut été possible de rendre plus léger l’ouvrage en supprimant certaines lettres redondantes,
il n’est que du temps passé, et point du tout perdu à leur lecture. Qui sait comment aurait fini leur idylle sans le terrible accident de voiture qui coûta la vie à Camus, les séparant en pleine gloire épistolaire ? C’était le 4 janvier 1960, alors qu’il montait la rejoindre à Paris…

Dans sa toute dernière lettre, il lui disait : « A bientôt, ma superbe. Je suis si content à l’idée de te revoir que je ris en t’écrivant. Je ne travaille plus, j’ai fermé mes dossiers. Je n’ai donc plus de raisons de me priver de ton rire, et de nos soirées, ni de ma patrie. Je t’embrasse, je te serre contre moi, jusqu’à mardi où je recommencerai ».

Michel Lloubes

 

Maria Casarès est morte en novembre 1996 à l'âge de 74 ans.

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S
Quelle tentante note et quelle joie que cette incursion dans le blog. Merci.
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