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Publié par Christian Di Scipio

Jean Teulé : à la soupe !

"Fleur de tonnerre" de Jean Teulé. Né en 1953 dans la Manche, Jean Teulé fut auteur de bandes dessinées avant d'écrire 14 romans dont "Rainbow pour Rimbaud" (1991), "L'Œil de Pâques" (1992), "Ballade pour un père oublié" (1995), "Ô Verlaine" (2004), "Je, François Villon" (2006), "Le Montespan" (2008), "Charly 9" (2011). Tous ses livres sont publiés en édition de poche aux éditions Pocket.

(Editions Julliard, 286 pages, 20 euros)

Le 6 décembre 1851, alors que la France vit au rythme des péripéties du coup d’Etat fomenté par le président de la république Louis-Napoléon Bonaparte qui aspire à devenir empereur, s’ouvre à Rennes le procès d’une criminelle hors norme. Hélène Jégado, alias Fleur de Tonnerre, comparaît pour 37 meurtres. En fait, on estime qu’elle a tué bien davantage de malheureux : l’absence de communication dans la Bretagne arriérée de cette première moitié du XIXe siècle où elle sévit, ajoutée à l’ignorance médicale de l’époque, ne permet pas toujours de différencier une mort naturelle d’un empoisonnement. Un autre phénomène brouille les cartes : les superstitions sont tellement ancrées dans les mentalités du temps qu’on croit volontiers aux agissements des esprits malins dans la survenue d’une mort subite.

Pour commencer filialement sa carrière de tueuse en série, Hélène à l’âge de sept ans, expérimente sur sa mère la soupe aux herbes dont elle fera un de ses instruments de mort durant quarante années. La petite fille n’éprouve aucune compassion, aucun remords, à la vue de sa pauvre mère agonisant dans d’atroces souffrances. Au contraire, elle est comme soulagée. Rassurée. Finie pour elle l’angoisse de voir l’Ankou, l’ange de la mort qui parcourt la campagne selon les croyances populaires et qui ôte la vie au hasard de ses rencontres. Elle ne le craint plus. Désormais l’Ankou c’est elle. Il ne peut rien lui arriver.

Jean Teulé brosse le récit de la cavale effrénée d’une empoisonneuse à travers le bocage breton. Mais à trop enfiler les meurtres au rythme où Hélène démoule ses gâteaux à l’arsenic, il oublie d’écrire un livre qui ne se limite pas à une accumulation de faits. On aurait aimé se poser dans certaines maisons bourgeoises en compagnie de cette belle Hélène (parce qu’en plus elle était très belle) ; on aurait aimé comprendre pourquoi elle tarde parfois à faire passer de vie à trépas certaines de ses victimes alors qu’elle en exécute d’autres dès le premier jour de leur rencontre. Mais dans tous les cas, elle accomplit sa besogne en professionnelle, en bonne fille de la campagne, très consciencieuse. Elle agit sans haine, comme une envoyée du destin. Un beau sujet d’analyse. Non ?

Les inconditionnels de Teulé retrouveront ici ce qui fait la marque de fabrique de la maison : le parler moderne, voire argotique façon Audiard, des personnages, l’indispensable contrepoint de dérision apportée ici par un duo de perruquiers à la Dupond-Dupont et un accommodement rigolard avec la vérité historique.

Cela suffit-il pour faire un bon livre allant au-delà de la simple entreprise de divertissement ? À voir sûrement. À lire pourquoi pas.

Christian Di Scipio

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F
Jean Teulé a le mérite de sortir de l'oubli des personnages qui avaient tout pour déplaire et qu'il nous rend presque sympathiques (voir Charly 9). Ses romans sont agréables à lire, voire instructifs si l'on sépare le bon grain de l'ivraie. On peut le créditer d'un certain travail de recherche historique. Mais il ne faudrait pas qu'il abuse du procédé, notamment celui du "parler moderne" qu'évoque Christian.
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